dimensions extérieures: 6 x 6 x 6 m
25 tôles d’aluminium éloxé, épaisseur: 3 mm,
pliées en U: 110 x 65 mm,
longueur des éléments: 6000, 4500 mm
ancrage sur 12 plots de béton, 140 x140 x 600 mm
Je suis assis à ma table et je dessine un cercle. Au centre des deux quarts supérieurs du cercle, je place respectivement un point. Puis, je trace une ligne verticale médiane qui mesure, au-dessus et au-dessous du centre du cercle, un huitième du diamètre. Enfin, je trace au milieu de la moitié inférieure du cercle une ligne horizontale, de la même longueur que la ligne verticale. Le dessin achevé laisse apparaître un visage. Je réalise ensuite d’autres dessins, en supprimant à chaque fois l’un des quatre éléments à l’intérieur du cercle – donc toujours un quart. J’ai maintenant différents dessins sous les yeux qui peuvent tous être interprétés comme des visages. Mais bien évidemment, comme le confirmerait Magritte, aucun des cinq dessins n’est un visage.
Par analogie aux quatre dessins réduits, ce que Gequa ( Christian Grogg, Philippe Queloz et Adrian Scheidegger) ont imaginé pour leur sculpture peut être vu comme la représentation d’une construction architectonique en ossature. Même si de nombreux éléments en ont été supprimés (peut-être un quart d’entre eux; qui, hormis Silvie, aura envie de vérifier cela?), la sculpture peut être lue ainsi. Mais il ne s’agit pas d’une construction en ossature, pas même d’un modèle de celle-ci. Aucun architecte raisonnable – permettez-moi de ne pas y inclure les déconstructivistes –, et encore moins un ingénieur n’auraient l’idée de construire un tel objet, car, quand même, le jeu des forces doit pouvoir se déployer, si possible sans heurts, de haut en bas, vers les fondations et non s’écouler quelque part dans la nature. Où irait-on sinon ? On ne peut pas faire cela. Or justement, il ne s’agit pas d’architecture, mais de sculpture. Le cube est sculpture grâce à l’omission d’éléments. Ce dernier révèle, comme les quatre dessins incomplets évoqués au début, sur chacune des quatre faces, un autre visage. Et comme l’objet est tridimensionnel et pas seulement bidimensionnel comme les dessins, la personne qui en fait le tour ou même se promène à l’intérieur de celui-ci, peut laisser émerger autant de visages qu’elle le souhaite.
Un cube ? Est-ce vraiment un cube ? Bien sûr que non. Ou précisément oui, pour qui se laisse quelque peu aller à l’hallucination et qui jette par-dessus le tout une enveloppe blanche, noire, rouge ou marbrée…et voit ainsi apparaître son cube blanc, noir, rouge ou marbré. Peut-être pourrait-il aussi décoller, Lucy in the grass with…
Echafaudage. On pourrait aussi le désigner ainsi ce cube qui n’en est pas un. Un assemblage dont les dimensions extérieures sont de 6 x 6 x 6 mètres. Il se compose de profils en U, de 110 millimètres sur 65, fabriqués en tôles d’aluminium brut pliées, d’une épaisseur de trois millimètres; la longueur des profils étant de 6000 et de 4500 millimètres. Voilà donc, pour une fois, quelque chose de simple. Mais alors, Gequa auraient conçu un ensemble de règles, de nature presque cabalistique, selon lequel – en suivant une grille de base de 1500 x 1500 x 1500 millimètres – les profils auraient été choisis selon leur longueur, joints les uns aux autres, tournés rythmiquement ou précisément omis. Ces lois mystérieuses confèrent à l’assemblage ses divers visages.
Mais il ne s’agit pas d’un assemblage ou d’un échafaudage, car cela ne se fait pas de désigner une sculpture ainsi. C’est définitivement une sculpture.
Lorsque j’écris ceci, la sculpture n’est pas encore construite; je n’en ai vu que le modèle, à une échelle de 1:5. Maintenant, je me réjouis de découvrir l’œuvre achevée dans le Mettlenpark et j’imagine, comment les profils vont briller dans le vert des arbres et dans le bleu du ciel, comment le soleil va poser sur eux des points lumineux ou comment des gouttes de pluie leur conféreront une chair de poule. Et jusque-là , je vais encore dessiner quelques cercles et y placer des points et des lignes de couleur.
En avril 2006
artursartours
Traduit de l'allemand par Sonja Queloz